» Définitions
Avertissement : cette définition est tirée du volume Le nouveau Larousse illustré
Les Arabes n'ont pas créé d'édifices, mais leur imagination vive, leur amour du faste et de la grâce, les ont conduits à
découvrir des modifications ingénieuses de l'arc plein cintre. C'est aux Arabes qu'appartient l'application de l'ogive.
Ce principe adopté, les architectes se sont exercés à varier sous toutes les formes l'intérieur de l'arc, soit en
l'allongeant dans le sens de la hauteur, soit en multipliant les dentelures de la circonférence, dont les retombées
élégantes sont à elles seules un ornement, soit en rapprochant les deux points de section de l'arc au-dessous de la ligne
du centre, ce qui donne aux baies surmontées de ces sortes d'arcs, à peine ouverts à la hauteur du linteau, l'aspect de
portes couronnées d'une rosace. Mais l'Arabe aime la parure. Ce sont au premier chef les ornements en relief des voûtes
et des plafonds, les mille sinuosités tracées sur les parties planes, à l'aide de la pointe ou du pinceau, par des artistes
au goût affiné, toujours en éveil, toujours fécond, qui donnent aux mosquées et aux palais arabes l'éclat et l'attrait.
Le mot « arabesques » traduit mieux que ne saurait le faire une longue description le charme particulier de ces menus
dessins, assez semblables aux broderies d'un tissu d'Orient.
Postérieures au Xe siècle de notre ère, les églises chrétiennes de Russie se rattachent, par le plan, à l'architecture
byzantine, et, par la profusion ou l'incohérence des détails, aux Orientaux. Mais l'aspect général a de la lourdeur, et
dans le décor se trahit l'excès.
C'est en Occident que fleurit l'architecture romane. Durant de longs siècles, elle n'a cessé de produire des monuments
dont la majeure partie atteste le génie des maîtres d'oeuvre. Ce n'est pas la croix grecque qu'ils adoptent, mais bien la
forme allongée des anciennes basiliques romaines comportant le plus habituellement trois nefs, un transsept, un chœur et
une abside. Le transsept accuse, à l'intérieur du moins, la forme de la croix. Nous disons à l'intérieur parce que le
transsept n'est pas toujours saillant sur les nefs à l'extérieur. L'abside se termine en sphère, en cône, ou par un mur
droit. Dans certains cas, des chapelles rayonnantes partent du transsept, enveloppent le chœur et vont rejoindre l'abside.
Tel est le plan dans ses lignes essentielles. Les clochers ou tours, autrefois juxtaposés aux façades des basiliques,
feront corps désormais avec les façades nouvelles, sauf exception, et le portail comportera une riche décoration sculptée.
La colonne, la base, le chapiteau, subiront des modifications diverses selon l'époque. Antérieurement aux croisades, le
style se rattache à l'architecture latine ; les croisades ayant mis la France en communication avec l'Orient, l'architecture
byzantine influe sur le style roman. De là les édifices appelés romano-byzantins. L'une des caractéristiques principales du roman,
c'est l'arc plein cintre employé dans la construction des voûtes, des arcades, des portes et des fenêtres. Très personnel,
très original et riche, le style roman ne laisse pas d'être lourd. Une impression de force et de durée se dégage des
monuments du moyen âge ; mais ce style vigoureux, puissant, a été supplanté en Occident par le style gothique, qui apparaît
dès le XIIe siècle.
L'expression « style gothique », appliquée à l'époque de la Renaissance pour définir le caractère des monuments du XIIe au
XVIe siècle, est impropre. Elle avait, dans l'esprit de ceux qui la mirent en circulation, le sens de « barbare », terme
méprisant et injuste, que les architectes, les écrivains du XVIe au XVIIIe siècle, ont employé pour qualifier une quantité
considérable d'édifices que les hommes éclairés de notre temps apprécient à leur juste valeur. Aujourd'hui, l'épithète
« gothique » n'a plus le sens amer qu'elle avait 'autrefois, et nous l'employons quand nous voulons parler de
l'architecture ogivale.
Mais, avant que les constructeurs aient franchement adopté l'ogive, ils l'avaient en quelque sorte essayée dans des
édifices où le plein cintre dominait encore. Certaines cathédrales nous permettent de juger de la pénétration du style
gothique dans le style roman, pénétration timide au premier moment, puis peu à peu plus envahissante, et enfin absorbante.
C'est alors que l'architecture romane est délaissée, et cède le pas à l'ogive.
Trois périodes, et pour ainsi dire trois styles, marquent les étapes de l'architecture ogivale. La première a une durée
de deux siècles (XIIe et XIIIe). On est convenu de définir les monuments de cette époque par les mots de « gothique à
lancette ». Cette expression vise les fenêtres très étroites et très allongées que l'ogive aiguë qui les surmonte fait
ressembler à un fer de lance. La deuxième période embrasse le XIVe siècle. C'est l'époque du gothique rayonnant. Là
encore, ce sont les fenêtres, devenues très larges et terminées dans leur partie supérieure par des rosaces ou des
quatre-feuilles, qui ont motivé la dénomination nouvelle. Enfin la troisième période s'étend du début du XVe siècle au
milieu du XVIe siècle, et les édifices construits à cette époque sont dits de style flamboyant, les meneaux des fenêtres
affectant, dans leurs contours compliqués, la forme de flammes.
Il va de soi que, pendant ces diverses périodes, les fenêtres n'ont pas été les seules parties des édifices qui aient
subi de profondes modifications. Le plan général des églises, le nombre et l'emplacement des chapelles, exclusivement
disposées autrefois autour du chœur, et bientôt groupées le long des bas-côtés, depuis le transsept jusqu'au portail,
la forme de la colonne, la décoration des chapiteaux, et maint autre détail, diffèrent selon les époques dont nous venons
de marquer les limites. Mais nous nous bornons ici à des indications générales.
Mais, dès le XVe siècle, un mouvement nouveau s'était manifesté en Italie. Ce mouvement, qui allait avoir sa répercussion
en France, en Espagne, en Angleterre, en Allemagne, en Suisse, a pris le nom de Renaissance.
Avec la Renaissance, l'architecture civile, très négligée durant les siècles précédents, va marcher de pair avec
l'architecture religieuse.
La Renaissance se manifesta d'abord dans le décor des édifices bien plus que dans leur plan ou leur construction, niais
les Grecs de Constantinople, émigrés en Italie vers le milieu du xve siècle, exercèrent une pression réelle sur les
architectes demeurés fidèles au style roman et au style ogival. La découverte des livres de Varna acheva la révolution.
L'antique eut toutes les préférences, et ce mouvement curieux, qualifié de Renaissance, consista, somme toute, en un
retour subit vers l'art de l'antiquité, au mépris des tendances modernes,qui avaient trouvé leur expression dans des
œuvres très personnelles. C'est ainsi qu'au lieu d'être un progrès, la Renaissance fut une halte, un arrêt général dont
le bienfait peut être contesté. Pour la plupart des architectes italiens, l'imitation de l'antique a été une servitude.
Bramante et ses émules tentèrent de réagir, mais Venise avait donné le branle. L'antique surchargé de décors, c'est-à-dire
l'antique dénaturé, pittoresque, l'emporta sur le style classique de Bramante et de Peruzzi.
Louis XII amena d'Italie l'architecte Fra Giocondo. Sous François Ier, Serlio et Vignole, très épris de Yitruve et de
Palladio, portèrent le détaler coup à l'art ogival. Le style italien triompha. Chantilly, Ecouen, Chenonceaux, datent
de cette époque, de même que Chambord, dont l'architecte, Pierre Nepveu, ne consent pas sans regrets visibles à délaisser
le style gothique. La lutte de l'art classique contre l'art ogival est plus ardente encore en Espagne qu'elle ne l'est
en France ; mais, avec Philippe II, c'en est fait de l'architecture en honneur depuis de longs siècles. Le palais de
l'Escurial marque le triomphe du style classique. L'Angleterre n'échappe pas à l'engouement qui s'est emparé de toute
l'Europe. Inigo Jones, sous Jacques Ier, est un classique. L'Allemagne, qui avait fourni pendant le moyen âge plus d'un
architecte éminent à l'Italie, subit à son tour l'influence des Italiens, et l'art national de ce peuple disparaît.
Dans ce mouvement de réforme, la Suisse cède sans résister à l'influence allemande. Ses maîtres, peu nombreux d'ailleurs,
n'ont pas autorité pour réagir.
A cet exposé, si rapide qu'il soit, nous devons ajouter quelques lignes d'appendice sur les monuments de l'Inde, de la
Chine et du Japon. Il va de soi que la Renaissance italienne n'est plus en cause. Les plus anciens édifices de l'Inde
semblent remonter au VIIIe siècle de notre ère. Les palais, les portes de cités, n'ont pas moins d'importance chez les
Hindous que les tombeaux ou les temples. Un certain nombre de sanctuaires sont souterrains, mais la plupart ont été
construits à ciel ouvert. Des toits plats recouvrent les pagodes et permettent de superposer des étages selon la richesse
ou la popularité du temple. Quelques traces des traditions égyptiennes se font jour dans l'Inde, mais les architectes de
ce pays ont très rapidement imprimé le sceau de leur personnalité sur les édifices sortis de leurs mains. C'est ainsi, pour
ne relever qu'un détail, qu'ils substituent aux deux tours placées par les Egyptiens de chaque côté des portes de villes,
une tour unique qu'ils posent en forme de beffroi, non sans quelque hardiesse, sur le sommet de la porte.
Si nous exceptons la grande muraille et les ponts gigantesques, toujours cités lorsqu'on parle de la Chine, on peut dire
que cette nation n'a pas, à proprement parler, d'architecture. Ses arcs de triomphe très nombreux, ses pagodes, ses
habitations, affectent invariablement la forme d'une tente. Les agglomérations d'édifices ont l'aspect d'un bivouac.
La maison chinoise, construite en bois et en briques, avec une seule ouverture et ses revêtements en porcelaine, a la
fragilité d'un abri éphémère. La silhouette générale en est sans grâce et sans style.
Il semblerait, à entendre nos contemporains vanter l'art du Japon, que cette contrée dut avoir des monuments d'un caractère
particulier. Il n'en est rien. Le voisinage de la Chine a visiblement influé sur la construction des palais et des temples
des Japonais. Ici et là, c'est, à peu de chose près, le même aspect, les mêmes profils élégants dans leur maigreur et trop
contournés pour que leur caractère s'harmonise avec notre goût.
Nous bornons à ces détails le tableau général de l'architecture. On trouvera sous le nom de chaque peuple l'exposé plus
complet des styles propres à chaque région.
— BLBLIOGR. : Perrot et Chipiez, Histoire de l'art dans l'antiquité (Paris, 1884) ; Vitruve, De architectura; Dareni-berg
et Saglio, Dict. des antw. grecques et romaines (Paris, 1877) ; "W. Lubke, Essai d'histoire de l'art (Paris) : Hubsich,
Monuments de l'architecture chrétienne depuis Constantin jusqu'à Charlemagne (Paris, 1866) ; Texier, l'Architecture
byzantine en Orient (Londres, 1864); Girault de Prangey, Essai sur l'architecture des Arabes et des Mores en Espagne,
en Sicile et en Barbarie; A. de Cau-mont, Cours d'antiquités monumentales (1831) ; Révoil, l'Architecture romane dans
le midi de la France; Saint-Paul, Histoire monumentale de la France; Palustre, la Renaissance en France ; E. Mùntz, la
Renaissance en France et en Italie (Paris, 1885); Rouyer, l'Art architectural en France; Viollet-le-Duc, Dictionnaire
de l'architecture du XIe au XVIe siècle (Paris, 1861).